« Mais tu as prévu de le revoir ? Comment vous allez vous organiser pour continuer ? »
« Non. C’était beau comme ça. On part chacun dans une direction opposée, pour des destinations très éloignées. Je ne l’ai même pas envisagé. Je déborde de gratitude et ne veux rien de plus que ces 40 heures. »
40 heures d’une complicité extraordinaire que je viens de vivre avec un voyageur croisé à quelques heures de mon retour en France alors naturellement, mes amies m’interrogent.
Mais moi, je suis convaincue que cette parenthèse de temps suspendu au Sri Lanka a pu exister avec tant de magie car elle a justement été vécue des deux côtés dans un abandon total à l’instant présent, sans tentative de mettre une étiquette sur ce que l’on était en train de vivre, sans tentative de projeter cette connexion dans un futur proche ou lointain.
Cela aurait instantanément ruiné ce que l’on avait la chance d’être en train de vivre, rendant les heures, qui étaient de toute façon comptées, tristes et nostalgiques alors qu’il s’agissait de simplement célébrer cette magnifique, et si rare, connexion d’âme à âme.
Si je vous partage cela, c’est car je crois qu’il est important de prendre conscience du fait que souvent, à trop vouloir étiqueter, catégoriser, reconnaître un schéma familier dans un événement que l’on vit, on le bloque et on se bloque. A trop vouloir se projeter dans le futur ou s’en inquiéter, on prive le présent de toute l’intensité qu’il mérite et l’on entre dans une spirale totalement contreproductive.
Voyager seule m’a fait réaliser à quel point ma vie d’avant m’avait déconnectée du présent.
Ces longues heures à avaler les kilomètres à pieds, en bus, en train; ces moments magiques où loin de toute connexion, on en expérimente soudainement une toute autre, sans fioriture, réglée sur le même rythme que celui de l’Univers tout entier, m’ont enseigné la magie et la force de l’instant présent.
Paradoxalement, prendre de la distance avec ma vie et tout ce qui m’était familier m’a autorisé à gagner en proximité et en présence à ce monde.
Ce qui me rend capable aujourd’hui de savourer intensément une complicité amoureuse, amicale, une expérience, un paysage lorsque je l’expérimente, sans projection, simplement pour ce qu’il est. Ces connexions privilégiées sont belles car je n’essaie plus de les dénaturer pour les faire entrer dans des moules, je les laisse me guider elles vers ce qu’elles sont et doivent être.
J’ai découvert que le passé et le futur ne sont au final que des pensées qui nous accaparent bien trop et n’apportent généralement que des angoisses, de la tristesse ou des illusions. Plus grave encore, ces pensées nous kidnappent du présent. Je crois fermement que la meilleure façon de se construire le plus beau des futurs n’est finalement pas de le rêver ou fantasmer, mais bien de vivre chaque instant présent intensément et de les additionner sereinement. (Ce paragraphe est évidemment un raccourci rapide d’un sujet immense, appréhendé sur plusieurs mois en ce qui me concerne et que je pourrai essayer de détailler prochainement. Evidemment qu’un peu de planification est nécessaire ne me comprenez pas mal).
Dans ces 40 heures vécues au présent, tout était juste, tout était en équilibre, tout a été dit sans pudeur et sans retenue, au delà des mots dans une langue étrangère qui n’était ni la sienne, ni la mienne.
Ça ne devait pas durer plus longtemps, ça n’aurait pas eu la même saveur et tenter de prouver le contraire serait selon moi une erreur (que j’ai faite à plusieurs reprises au cours de ce même long voyage et qui m’a tellement faite grandir que je la referai 100 fois).
Alors que j’attends mon avion pour la France, je déborde d’une gratitude immense et remercie pour ce que cet échange m’a enseigné, prête à continuer mon chemin sans essayer d’en changer le tracé.
Si l’on doit se revoir, on se reverra. Il n’y a rien à forcer. Tout est juste dans ce nouveau monde qui est le mien.
Je vous souhaite de très beaux instants présents et la sagesse de les vivre avec toute l’intensité qu’ils méritent, en pleine conscience et en gratitude. Cela peut changer beaucoup de choses dans une vie vous verrez.
» When you meet that person. A person. One of your soulmates. Whether it be for five minutes. Five hours. Five months. Five years or a lifetime. Let the connection be what it is. This way. If it stays or if it leaves. You will be softer from having been loved this authentically. Let them be who and what they are meant to be. »
Nayyirah Waheed
With Love from México …